L'ENSCL investit les réserves des Sciences et Techniques pour l'étude de produits chimiques conservés dans les réserves du Musée !
Plus de 400 produits chimiques sont précieusement conservés en réserves. Depuis mai 2021 un partenariat avec ENSCL (Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Lille) a été lancé afin d'étudier ces produits pour certains méconnus :
- Phase 1 (2021) : recensement et élaboration d’une base de données des produits et détermination des risques
- Phase 2 (printemps 2022) : analyse de certains produits non identifiés et mise en place des préconisations nécessaires à la bonne conservation de cette collection
- Phase 3 en parallèle des phases 1 et 2 : recherches historiques et mise en valeur de ce fonds et de l’étude
Elouan, étudiant à l'ENSCL présente l'un des produits recensé :
Pommade au Mercure
Pommade à poids égal de Mercure, collection Musée d’Histoire naturelle de Lille/Reproduction Elouan Heurard
"Un vieux remède : La pommade au mercure
Une étude de la collection de produits chimiques du musée, dont fait partie cette pommade au mercure, est actuellement en cours en partenariat avec la Junior-Entreprise de l'ENSCL : Chimie Lille Etudes.
Si vous alliez voir un médecin au XIXème siècle, il était possible que vous ressortiez avec ceci : une pommade à poids égal de mercure. Et en plus c’est du bon ! L’étiquette indique que c’est composé d’au moins 50% de mercure pur, on ne s’est pas moqué de vous. Si on vous avait prescrit ce traitement, c’est probablement que vous aviez contracté la syphilis, une maladie sexuellement transmissible considérée comme le fléau du XIXème siècle. Il fallait appliquer cette pommade sur les membres lésés, et laisser agir. Appliquez en bonne quantité pendant une semaine, et si vous commencez à saliver abondamment, c’est le signe que ça marche !
Bon, revenons maintenant au XXIème siècle et trouvons un traitement peut-être mieux adapté. On le sait maintenant, le mercure n’est pas efficace contre la syphilis, il est même extrêmement toxique pour l’organisme. À tel point que le mercure a tué autant de personnes, si ce n’est plus, que la maladie elle-même. À vrai dire, on ne sait pas vraiment pourquoi le mercure était autant utilisé dans la médecine ancienne, mais plusieurs hypothèses ont été avancées. Ce remède était probablement vanté au départ par des charlatans qui ont profité des différentes étapes de la maladie pour faire croire à l’efficacité de leur produit. En effet, la syphilis évolue par stades, il était donc courant que les malades aillent mieux pendant une courte période, ce qui a probablement permis de justifier l’efficacité du traitement. Une autre hypothèse est que les premières prescriptions furent probablement faites par analogie. Le mercure était utilisé par les médecins arabes pour ses propriétés parasiticides. Il paraissait logique de l’utiliser pour traiter cette nouvelle maladie, supposée de nature parasitaire.
Ce médicament miracle est ensuite étendu aux industries pharmaceutiques. Nous pouvons voir ici un exemplaire de la pharmacie Léon Danjou, découvert dans les réserves du Musée d’Histoire Naturelle de Lille.
En fonction de l’état du mercure, les effets sur la santé peuvent être différents. Le mercure élémentaire et le méthyle mercure sont toxiques pour les systèmes nerveux central et périphérique. L’inhalation de vapeurs de mercure peut avoir des effets nocifs sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire, sur les poumons et les reins, et peut être fatale. Les sels de mercure inorganiques sont corrosifs pour la peau, les yeux et le tractus gastro-intestinal, et peuvent être toxiques pour les reins en cas d’ingestion.
Des troubles neurologiques et comportementaux peuvent être observés après exposition aux différents composés de mercure par inhalation, ingestion ou contact dermique. Les symptômes sont notamment les suivants : tremblements, insomnies, pertes de mémoire, effets neuromusculaires, maux de tête et dysfonctionnements moteurs et cognitifs. Les chapeliers utilisaient d’ailleurs du mercure dans la confection des chapeaux ce qui a donné le mythe du chapelier fou.
Les effets toxiques du mercure étaient pourtant bien connus à l’époque. Cependant ils étaient vus comme une expiation du péché de chair, dans une société catholique ou les IST sont vu comme le témoignage de pratiques déviantes. En somme, « il l’avait bien cherché ». L’utilisation du mercure pendant près de 450 ans en fait un traitement presque évident même si aucune preuve scientifique de son efficacité n’est avancée. Il faudra attendre le milieu du XXème siècle et le début du traitement à l’aide de la pénicilline pour voir les prescriptions commencer à décliner puis disparaître complètement.
La pharmacie du XIXème siècle n’est pas toujours un bon exemple à suivre et il faut parfois se méfier des remèdes dits « ancestraux ». Nos ancêtres n’avaient pas toujours les meilleures idées."
Cet article a pu voir le jour grâce à l’investissement de France Chimie Nord Pas-De-Calais et Kuhlmann France.
Auteur : Elouan Heurard (étudiant à l’ENSCL)